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Sep
29

La France Olympique : entre désillusions et projet sociétal

Catégorie : Politiques sportives

Alors que les Jeux Paralympiques s’achèvent, que médias et observateurs s’accordent pour dire que ces Jeux Olympiques de 2012 sont une réussite sportive mais aussi plus largement populaire, quelles sont les leçons à tirer pour la France ?

S’il est encore trop tôt et toujours très complexe de produire des études d’impacts économiques, de calculer précisément le coût réel des Jeux, de mesurer concrètement les avancées, les accélérations en matière d’infrastructures, il est admis que ces Jeux marqueront l’histoire de l’olympisme et de la Grande-Bretagne. On pense aussi aux avancées en matière d’urbanisme, de transports, bref aux nombreuses réalisations qui peuvent modifier durablement la vie quotidienne des britanniques. Sans tomber dans la caricature et malgré la morosité économique européenne, le temps s’est comme arrêté durant ce mois d’août. Les Britanniques et plus particulièrement les Londoniens ont véritablement pris part à l’événement pour se l’approprier, pour défendre leur culture et surtout pour faire de ces Jeux une étape clé de l’histoire du Royaume-Uni. C’est cela la force des Jeux, leur impact est transversal, ils traversent l’ensemble des populations, y compris ceux qui se désintéressent du fait sportif. Au-delà des spectacles et des exploits sportifs, chacun retiendra la joie, l’amabilité, l’implication des bénévoles, cette capacité, à tous les échelons, de créer du sens, de la valeur à l’olympisme pour en faire un véritable projet de société. Les Jeux de 1996 à Atlanta auront été, sur cet aspect, à l’opposé de ceux de 2012. C’est peut-être bien là la preuve que les Jeux se construisent, se modèlent autour d’un projet pour la société et qu’ils ne sont pas sclérosés aux aspects mercantiles comme certains voudraient parfois les cantonner.

La première chose à retenir, c’est donc que les Jeux Olympiques vont bien au-delà du sport. Le sport olympique n’est qu’un prétexte, un beau prétexte certes mais le prétexte à une vision politique pour une nation, car aucun autre événement ne permet de mobiliser autant d’énergie, aussi variée et d’offrir une telle fenêtre au monde et sur le monde.

Des candidatures françaises qui ont sous-estimer l’impact universel des Jeux

2012, c’est une année olympique lourde de souvenirs douloureux pour la France et sa capitale. Il y a encore quelques mois, la défaite d’Annecy l’a rappelé, la France n’avait pas réellement digéré cet échec, elle était comme K.O debout. Sans parler de leçons à tirer, c’est surtout le modèle et les enjeux d’une candidature que la France peine à intégrer. Vécu par le maire de Paris comme un échec personnel, vu par d’autres comme notre incapacité à travailler de concert entre pouvoirs publics, collectivités et secteurs privés, finalement on n’en retiendra qu’une faiblesse à produire un lobbying international de qualité, prétextant le peu de présence française dans les instances sportives internationales. C’est malheureusement l’arbre qui cache la forêt. A-t-on seulement mesuré ce que représentaient réellement les Jeux Olympiques d’été pour construire les candidatures françaises pour 2004 – Lille –, 2008 –Paris –, 2012 –Paris –. Semble-t-il, non. Pourtant pour le Comité International Olympique (CIO), attribuer les Jeux Olympiques, c’est un acte politique. Pour rester crédibles et universels, les Jeux doivent s’inscrire dans les évolutions et les ruptures de notre monde, voire les accompagner. Les Jeux de Moscou, de Séoul et bientôt ceux de Rio en sont les meilleurs symboles. Alors, la France n’aurait tout simplement pas été retenue, car incapable de démontrer le rôle, le rang qu’elle tenait en général à l’international et plus précisément en Europe. L’échec des Jeux de 2012, c’est d’abord l’échec d’un pays sur l’échiquier international. Finalement la mobilisation de nos leaders politiques, économiques et même sportifs n’était pas à la hauteur de l’enjeu olympique et de ce qu’il représente.

La deuxième chose à retenir, serait donc, que la France a sous-évalué la dimension sociétale, voir centro-centré les Jeux à leur simple expression sportive. Sept ans après l’échec du vote de Singapour – pour la ville hôte des Jeux de 2012 –, on ne pouvait que constater l’immobilisme et le manque de discernement des enjeux de l’élection de la ville hôte.

De l’olympisme au projet de société, un pas qui reste à franchir

La perte des Jeux le 6 juillet 2005 a très vite pris la forme d’une double peine. La première, bien-sûr, fût de ne pas organiser les Jeux Olympiques en 2012. Véritable désillusion d’une candidature qui croyait avoir évité avec succès tous les écueils précédents, qui pensait avoir joué au bon élève et qui ne voyait pas comment le CIO pouvait refuser à Paris d’organiser des Jeux qui lui échappaient depuis 1924. Et puis, les Jeux Olympiques modernes, pensait-t-on, c’est quand même une création du Baron Pierre de Coubertin, le mouvement olympique serait redevable ! La deuxième, plus inquiétante et malgré ce qui était annoncé, est que les acteurs de la candidature n’aient pas su profiter des énergies déployées, des projets avancés, des compétences identifiées, pour engager une dynamique poussée par le sport mais pas seulement, et donc de ne pas savoir mettre en place tous les projets sportifs et extra sportifs qui étaient prévus. On nous parle bien-sûr ici d’un vélodrome, là d’une future piscine olympique mais tout cela est finalement assez déconnecté d’un projet pour Paris, la France et les Français. Finalement depuis 1999, les projets sportifs, notamment en matière d’équipements, étaient systématiquement raccrochés à l’éventualité de l’organisation de Jeux. Même s’il est vrai que les Jeux olympiques sont l’occasion d’accélérer, de concentrer les politiques publiques sportives, la défaite de 2005 a figé les ambitions sportives françaises, stoppé de nombreux projets visant à améliorer la compétitivité sportive des athlètes français mais aussi le développement de la pratique sportive pour le plus grand nombre.

Finalement, on retiendra que sans l’obtention de l’organisation des Jeux, La France aura été incapable de porter un projet sportif réaliste et applicable aux besoins des Français, pour se perdre dans des questions de gouvernance entre le mouvement sportif et l’Etat.

Quelle gouvernance pour une prochaine candidature française aux Jeux Olympiques ?

Justement, parlons maintenant de cette gouvernance et de son modèle en situation olympique. Et s’il y a bien une leçon qu’on pu tirer les observateurs à Londres, c’est que les Jeux dépassent très largement la dimension sportive. Organiser les jeux, être partenaire, s’impliquer, c’est entrer dans une Histoire, l’Histoire d’un peuple qui accueille durant quelques semaines, le Monde dans toute son universalité.

Les acteurs s’accordent à dire que le sport est structurant pour toute une nation : le Comité National Olympique Sportif Français (CNOSF) dans son plan d’orientation stratégiques 2010-2013 ambitionne de « Faire du sport un élément central d’un projet de société, un moteur de l’économie, un vecteur de notoriété et de rassemblement », et la Ministre des Sport a récemment affirmé « le sport, un moteur extrêmement puissant pour mobiliser une société », mais ont-ils bien mesuré le jeu des acteurs ?

Le sujet de la gouvernance étant finalement la question centrale d’une éventuelle nouvelle candidature française à l’organisation des Jeux Olympiques risquent de se rejoindre assez rapidement. Techniquement, c’est bien le Comité National Olympique qui doit soumettre la candidature. En France, c’est le CNOSF qui représente à la fois le CIO sur le territoire français et qui incarne le mouvement sportif français, c’est à dire l’ensemble des fédérations françaises sportives. Une fois cela dit, le constat des précédentes candidatures fait apparaître systématiquement la question du leadership : Le mouvement sportif ? la ville? la région ? l’Etat ? le ministère de tutelle ? les partenaires financiers ? A chaque fois la réponse a été la même : une tentative d’équilibre entre chacun de ces acteurs sans réellement trouver de véritable sens, de véritables ambitions pour la France. Une exception française ? Peut-être, ou peut-être pas. La réponse est sûrement moins à chercher du côté de notre gouvernance que du côté du projet. Si les Jeux Olympiques, comme on l’a tous constaté à Londres, sont un véritable projet pour la société, alors la réponse est évidente : c’est bien sûr l’Etat et les pouvoirs publics qui doivent tout entiers porter une candidature française, en associant bien entendu tous les acteurs, dans une réelle gouvernance partagée en définissant leurs rôles et leurs missions, puis en l’incarnant par une femme ou un homme portant toutes ces dimensions. En 2005, Sebastian Coe fut cet homme. Double champion Olympique d’un « grand » sport olympique, ancien député et Lord, il a su donner la victoire à la candidature anglaise et porter l’organisation des Jeux de façon exemplaire.

Pour 2008 et 2012, le schéma français était, semble-t-il, tout autre : faisons porter la candidature par nos champions en associant le mouvement sportif pour affirmer la dimension sportive au projet. Quand on aura les Jeux, ce sera bien trop sérieux pour leur laisser les clés. Résultat, deux candidatures ratées malgré d’excellents dossiers techniques mais auxquels il aura manqué du sens, de l’engagement politique, un projet sportif et sociétal et une personnalité pour l’incarner.

Depuis quelques semaines, la question de la candidature de Paris pour 2024 effleure quelques lèvres et non des moindres. La prudence est de mise. « Attendons de savoir qui organisera les Jeux en 2020 – pour des questions d’alternance continentale… Faisons d’abord porter ce projet par le mouvement sportif… 2024 est une date symbolique – 100 ans après les derniers Jeux de Paris…» Le Président Hollande affirmait récemment : « Ce doit être le mouvement sportif lui-même qui l’exprime, la monte, et ensuite ce sont les politiques, l’Etat, qui doivent l’encadrer ». N’est-ce pas reproduire une fois de plus les erreurs du passé et décidément ne pas prendre toute la mesure d’une candidature et d’une organisation olympique ?

Le club France de Londres : la confiance retrouvée !

Pourtant à Londres un vent nouveau a soufflé pour la France, certes dans une moindre mesure et à une toute autre dimension. D’abord des résultats plus qu’honorables de l’Equipe de France, avec une 7ème place au classement des médailles. On aura aussi noté un comportement exemplaire des athlètes français : respectueux mais déterminés à remporter des victoires qui auront permis de recentrer les medias sur un sport spectaculaire, fait de dépassement et d’esthétisme.


Ensuite la présence française à Londres a été symbolisée par un Club France ambitieux et novateur qui a permis de mettre en avant un savoir-faire à la française de l’accueil des athlètes, de leurs familles, des supporters, des partenaires, des médias et des acteurs du monde sportif. Là-bas, la France était désinhibée, fière et respectueuse de ses sportifs, de son modèle et de sa vision du sport. Si cela peut sembler anecdotique au premier abord, dans ce contexte de 2012, c’était un véritable challenge à relever, une ouverture vers de nouveaux modèles.

On s’est de nouveau mis à rêver de victoires sportives et pourquoi pas d’olympisme à la maison. Le club France, c’était aussi une façon de dire que la France était un peu chez elle sur les bords de la Tamise, qu’elle aussi, quelque part, avait contribué à la réussite de ces Jeux et qu’elle était honorée d’avoir perdu la candidature face à un pays qui faisait la démonstration du respect de ses engagements de ville candidate.

Alors la France est-elle prête à repenser ses ambitions olympiques, à faire de ces Jeux un projet à plusieurs facettes : social, sportif, politique et économique. Londres a été une formidable démonstration des possibilités qui sont offertes. La proximité géographique, culturelle – entre la Grande-Bretagne et la France – a favorisé l’identification et la projection des tous les acteurs français présents. N’attendons pas 2015 – date à laquelle Paris pourra présenter sa candidature – pour commencer d’ores et déjà à innover et construire des projets durables pour notre société et pourquoi pas compatibles avec l’olympisme.

Souad ROCHDI

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